De ’Olivier Costa, chercheur au CNRS
Depuis hier soir, on lit un peu partout, sous les doigts de gens très soucieux des libertés individuelles et convaincus de vivre désormais en dictature, que c’est la première fois qu’un vaccin est imposé à qui que ce soit en France.
Rappelons que les maladies infantiles, qui tuaient les enfants par milliers après-guerre et en laissaient de milliers d'autres estropiés, ont été éradiquées grâce à la vaccination obligatoire – même si ces maladies refont surface, par le fait d'illuminés qui pensent qu’une bonne décoction de prêle, des exercices de respiration ou une médaille de Ste Rita est aussi efficace contre la variole qu’un vaccin. Pour inscrire un enfant à l'école, au club de sport ou en colonie de vacances, il faut depuis des décennies présenter un carnet de vaccination à jour.
Rappelons aussi aux gens qui comparent le sort des soignants obligés de se vacciner contre le Covid à celui des juifs en France en 1942, que les soignants sont depuis longtemps tenus de bénéficier d’un certain nombre de vaccins (DTP, hépatite B, tuberculose), et d’autres parfois selon leurs fonctions, pour assurer leur propre sécurité et celle de leurs patients.
Un personnel soignant qui refuse de se faire vacciner contre le Covid au nom de sa liberté individuelle tient un discours aussi inacceptable qu’un chauffeur de bus scolaire qui voudrait carburer au Ricard dès le petit déjeuner, un dentiste qui refuserait de se laver les mains entre deux patients ou un prof qui contesterait les règles de l’accord du participé passé, au nom de sa liberté individuelle.
Dans les démocraties contemporaines, la liberté individuelle s’arrête là où commence celle des autres, mais également là où commence l’intérêt collectif. Donc, non, et c’est peut-être regrettable, on n’a pas le droit de tirer sur ses voisins, même s’ils sont bruyants ; ni de rouler à 200 sur l’autoroute, même si on pense très bien conduire ; ni de piquer le sandwich de son collègue de bureau, même si on a très faim.
Et cette restriction de la liberté individuelle s’applique aussi à des activités de la sphère privée, puisqu’on n’a pas le droit non plus de consommer de la cocaïne, bien au chaud chez soi sans embêter personne, ou de taper ses enfants mineurs, même dans l’intimité du domicile et à des fins éducatives.
C’est ainsi que les sociétés fonctionnent. Il n’y a donc rien d’extraordinaire à prendre des décisions un tant soit peu contraignantes pour essayer de venir à bout d’une pandémie qui a déjà fait 4 millions de morts et mis l'économie mondiale à genou, et dont on ne se débarrassera qu'avec une couverture vaccinale de 9 0 %.